Les fleurs précieuses de Jan van Huysum, J. Paul Getty Museum (Los Angeles, California)
C’est au magnifique J. Paul Getty Museum
de Los Angeles que j’ai découvert Jan van Huysum, le célèbre musée californien
ayant acquis en 1982 deux œuvres du peintre néerlandais : Vase of Flowers et Fruit Piece[1],
réalisées en 1722.
Vase of Flowers, 1722, Huile sur bois, 80 x 61 cm |
Fruit Piece, 1722, Huile sur bois, 80,3 x 61 cm |
Jan a appris la peinture dans les
ateliers de son père, Justus van Huysum, qu’il aide, très jeune, à réaliser des
peintures décoratives. Comme les grands peintres du XVIIème siècle, Jan développe
sa technique en observant avec finesse la nature, les paysages, les oiseaux,
les insectes, les fruits mais surtout les fleurs, qui fascinent son époque. Depuis
les années 1630, la « tulipomanie » agite en effet les marchés européens,
les bulbes venus d’Europe australe et orientale, d’Asie mineure et des
Amériques se vendent à prix d’or, au point que certains ont perdu leur fortune
pour un bulbe rare. On aime aussi le chèvrefeuille, les fleurs des pommiers,
les roses, les coquelicots. On apprécie
les corolles aux riches nuances de couleur et à double bourgeon comme les
jacinthes, les roses trémières, les anémones couronnées, les fleurs de
bauhinia, les auricules. Jan possède lui-même un jardin à Amsterdam mais ils se
rend aussi souvent à Harleem, où il fréquente des botanistes qui possèdent des fleurs
précieuses.
Au début des années 1720, Jan a
amélioré sa technique. Il peint sur des planches d’acajou, qu’il travaille
selon une technique qu’il ne dévoile à personne. Il combine désormais un
éclairage frontal à une source lumineuse qu’il place derrière les compositions
qu’il représente afin d’éclairer le foisonnement intérieur des bouquets, de
donner du relief à la densité, de donner vie aux fleurs et aux fruits. De même,
il remplace les fonds sombres par des fonds plus clairs, voire des paysages bucoliques.
Pour accentuer les effets de réels,
il cultive les détails : une goutte d’eau sur une feuille ou un pétale, un
insecte posé ça et là, un papillon caché, un fruit piqué. Il
travaille les textures pour rendre l’aspect poudré d’une fleur, la douceur
soyeuse de la peau de pêche, le toucher rugueux d’une feuille de vigne, le
brillant d’un grain de framboise gorgé de saveurs…
Vase of Flowers, détail |
Les vases débordants de
van Huysum semblent sortir des tableaux, leur splendide et foisonnant désordre exprime
la sensibilité baroque de l’époque. Les palettes de l’artiste orchestrent avec harmonie des nuances d’orange, de rouges, de violets. Il crée
des transitions subtiles à l’intérieur des familles de couleur et passe par exemple
dans Fruit Piece du violet velouté
des grains de raison au bleu mauve des iris ; dans Vase of Flowers une gamme subtile de blancs, de roses pâles traverse
le tableau. Il ose des combinaisons inattendues en juxtaposant le rouge et le bleu,
le violet et le jaune, l’orange et le rose.
Avec Vase of Flowers, nous sommes au printemps ou au début de l’été. Le tableau est composé selon un axe diagonal qui traverse le bouquet, du chèvrefeuille en bas à gauche jusqu’au coquelicot tête en bas, en haut à droite. Le nid de pinson, au pied du vase, ajoute un élément charmant.
C’est la période de la récolte du
raisin, la fin de l’été, le début de l’automne qui est évoquée dans Fruit Piece. Le tableau regorge de vivacité, de dynamisme. Tout
donne l’illusion du mouvement : le subtil jeu entre les fleurs larges et
opulentes et les fruits, les entrelacs capricieux des brindilles jaillissant du
centre du tableau, la composition rococo asymétrique en forme de S, qui conduit
le regard de la brindille de rose trémière en haut du cadre jusqu’à la forme
ronde des fruits à la base.
Si les deux tableaux évoquent les
saisons, ils renvoient aussi au passage du temps et, de même que dans les autres œuvres
du peintre, « le(s) bouquet(s) doi(vent) être pris dans (leur) ensemble
comme une mise en garde du caractère transitoire de l'existence, rejoignant
ainsi l'esprit des vanités. Le peintre mêle des fleurs de vie comme la rose, l'œillet
et la belle-de-jour, à la jacinthe et au narcisse, symbole de mort, ou encore
au pavot, évoquant le sommeil éternel. La plupart de ces fleurs sont à la fin
de leur épanouissement, encore quelques heures et leur beauté se fanera.»[2]
Jan Davidsz de Heem, Vase de fleurs, 1645, National Gallery of Art, Washington |
Source :
Anne T. Woolett, Miraculous
bouquets, Flower and Fruit Paintings by Jan van Huysum, 2011, Getty
Publications.
[1] Je garde ici les titres en
anglais qui figurent au Getty Museum.
[2] Adeline
Collange, https://www.louvre.fr/oeuvre-notices/vase-de-fleurs-dans-une-niche